La lecture comme outil pour apprendre l'italien

Dans les milieux polyglottes, on vante beaucoup le pouvoir de la lecture comme moyen pour apprendre une nouvelle langue. Étant moi-même un passionné des langues étrangères et un avide apprenant, j'ai décidé de faire ma propre expérience. Cet article est le fruit de mes modestes recherches et de mes expériences personnelles pour vérifier cette prémisse, étalées sur une semaine avec beaucoup de réserve car ayant un emploi du temps très chargé. Vous retrouverez les articles que j'ai consultés à cet effet et mes résumés de leurs contenus dans mon groupe sur Facebook: Learning Languages is my Passion.

Contexte: 
La langue que je suis en train d'étudier est l'italien. J'ai commencé depuis environ un mois. Quelques tentatives précédentes avortées ont eu lieu, notamment avec la méthode Michel Thomas et en regardant un animé japonais (Inuyasha). Or, ces tentatives ne sont pas entièrement allées en vain, car elles m'ont donné une certaine base sur laquelle je puisse m'appuyer.

Introduction:
Avant d'entamer le vif du sujet, j'aimerai préciser que j'ai fait l'expérience de la lecture comme outil de perfectionnement de ses connaissances linguistiques bien avant cette recherche. En effet, vers la fin de mes études moyennes et ensuite tout au long de mes études secondaires, j'ai été un avide lecteur de littérature française classique et moderne, ainsi que de livres et d'articles de vulgarisation scientifique. Cela m'a permis non seulement d'enrichir mon bagage lexical d'une manière significative, mais aussi d'acquérir un style d'écriture propre à moi. C'est ce qui m'a valu la réussite du test de connaissance du français (TCF) avec le niveau C1. Je suis persuadé que si je n'avais pas lu tous ces livres, je n'en serai pas où je suis maintenant. Plus tard, je suis passé du français à l'anglais, et là aussi, j'ai constaté une amélioration notable de mes compétences linguistiques. Cependant, il est important de souligner que je n'ai commencé à lire dans ces langues respectives qu'après les avoir étudiées à l'école pendant des années. J'ai donc préalablement atteint un niveau assez important de maîtrise, j'ose dire intermédiaire voire plus avancé. Maintenant, la question qui se pose est la suivante: Peut-on intégrer la lecture comme une activité didactique dès les premières phases de l'apprentissage d'une nouvelle langue ? Autrement dit, est-ce possible pour un débutant de lire dans sa langue cible pour l'apprendre ? Si la réponse est oui, en quoi cette activité est-elle bénéfique ?

1) La lecture comme outil d'apprentissage pour débutants :
Ce que j'ai appris durant ma petite recherche et mes tentatives personnelles, c'est qu'il est possible même pour un débutant d'inclure la lecture dans le processus d'apprentissage avec certaines réserves. 

a) Une approche linguistique comparative :
Tout d'abord, il faut se poser des questions sur les origines de la langue cible (celle que vous voulez apprendre) et les relations qu'elle entretient avec des langues déjà bien assimilées par l'apprenant et qui font partie de son répertoire langagier. 
En fait, il faut savoir que toutes les langues actuellement parlées dans le monde dérivent de langues plus anciennes. Certaines langues filles sont dérivées de la même langue mère, ce qui fait qu'elle sont plus proches et partage plus de points en commun que d'autres (que ce soit au niveau phonologique, grammatical ou lexical). S'il se trouve que l'une des langues que vous maîtrisez (aussi bien maternelle que seconde et/ou étrangère) fait partie de la même famille que votre langue cible, vous pouvez transférer vos connaissances de l'une à l'autre pour accélerer votre processus d'assimilation. Pour me prendre comme exemple, ma langue cible est l'italien. Les linguistes la classe comme langue romane ou latine, ce qui veut dire qu'elle a évolué du latin et qu'elle ressemble beaucoup à ses congénères qui sont: l'espagnol, le portugais, le français, le réto-roman, le roumain, etc. Ses affinités avec le français, notamment, sont très frappantes. En fait, pour une grande partie du vocabulaire italien, il suffit de connaître quelques manipulations phonétiques et orthographiques du français vers l'italien pour pouvoir les reconnaître, quelques exemples à la main:
Manger - mangiare; dormir - dormire; boire - bere; la lecture - la lettura; possible - possibile...
Cette liste peut s'étaler à des milliers de vocables.

Vous voyez que cette poignée de mots est parfaitement intelligible pour un francophone, même s'il n'a jamais eu affaire avant à la langue italienne; ce qu'il fait qu'il y a une large base commune entre les deux langues sur laquellle un apprenant débutant peut s'appuyer pour comprendre une conversation ou un texte basique. Il s'avère donc très utile de se situer linguistiquement du point de vue des langues que nous avons déjà acquises et de celle que nous voulons acquérir.

b) Les différentes approches de lecture :
Il faut aussi savoir qu'il existe deux types de lecture qu'on peut faire. Dans les milieux pédagogiques, on les appelle la lecture intensive et la lecture extensive.

La lecture intensive est une approche qui met en valeur l'analyse intensive et l'étude approfondie d'un texte extrait dans le but d'en déduire les constructions grammaticales et un lexique bien déterminé. Cette méthode est appliquée dans la vaste majorité des écoles et s'inscrit plutôt dans les méthodes traditionnelles de l'enseignement des langues.

La lecture extensive est une approche plutôt flexible dont le but est de pousser l'apprenant à lire le plus de contenu possible plutôt qu'à se focaliser sur un seul texte. Le lecteur est encouragé à choisir lui-même ses livres, articles, magasines, etc. selon les thèmes qui l'intéressent. C'est le type de lecture que nous faisons à la maison avant de dormir ou dans le train en allant quelque part. Cette approche est aussi appelée la lecture volontaire, la lecture pour le plaisir (voluntary reading, reading for pleasure). Cette pratique est très appréciée par les polyglottes et les protagoniste de la didactique dite naturelle. Mais elle n'est pas encore très répandue. Dans certaines écoles, l'enseignant demande à ses élèves de lire un certain nombre de pages, un livre entier ou pendant une certaine durée de temps (en général, c'est une heure) par semaine.

C'est le type de lecture que j'ai moi-même essayé et que je vous conseille de faire.
Nous arrivons maintenant à la troisième question:
c) Quel type de contenu peut lire comme un débutant :
Il y a deux critères qui vont jouer un rôle sur le choix de ce que l'on va lire.

- Le niveau de l'apprenant : Si vous êtes un faux débutant, il ne faut pas passer par cette étape. Mais si comme moi, vous avez déjà tenté d'apprendre la langue, vous devez évaluer votre niveau de maîtrise de la langue cible par rapport au cadre européen commun de référence, même si vous pensez que vous avez un niveau basique. Vous pouvez vous servir d'un test en ligne. Pour la langue italienne, j'en ai passé deux: ici et ici. Je suis bien conscient que ces tests ne sont pas complets, car ils ne se focalisent que sur la grammaire. Néanmoins, ils m'ont permis de me situer entre le A2 et le B1, ce qui veut dire débutant - intermédiaire. Mais je vous conseille de vous faire évaluer directement dans un Centre Culturel Italien si vous avez cette possibilité, sinon dans une école de langue où ils font passer un test complet; c-à-d où sont inclus les quatre compétences qui sont la compréhension et la production de l'oral, ainsi que la compréhension et la production de l'écrit. Souvent ces tests sont gratuits; sinon, ils coûtent une somme insignifiante.
- Les centres d'intérêts : Comme je vous ai expliqué plus haut, le type de lecture à faire est extensive, volontaire et pour le plaisir. Je ne peux pas accentuer assez le dernier point, car le but étant de lire le plus de matériel possible, il est certain que pour cela, il faut avoir une forte motivation. Et qu'est-ce qui nous motive plus que les sujets qui nous intérêssent ? Par conséquent, je vous conseille d'établir une liste de vos centres d'intérêts et de toujours sélectionner des textes qui rentrent dans ces sujets. Même si vous pouvez aussi expérimenter un peu, c'est à vous de voir ! 
C'est très simple. Vous êtes un amateur de football ? Lisez du contenu sur le football ! Vous aimez les célébrités, procurez-vous des magasines sur les célébrités dans votre langue cible !


Maintenant que nous avons établi comment sélectionner le contenu à lire, passons à un point plus concret: Quel genre de textes, doit-on lire ?

Pratiquement dans tous les articles que j'ai lus et toutes les vidéos que j'ai vu à ce sujet, au moins deux types de livres sont recommandés pour les débutants : les récits pour enfants et les livres de lecture adaptés.

La littérature pour enfants présente l'avantage d'être à la fois plaisante et simple, car les auteurs s'efforcent d'utiliser un vocabulaire facile d'accès. Après tout, c'est destiné à des enfants ! En outre, vous ne serez pas exposé à un langage articifiel, car ces récits sont écrits naturellement. Moi-même j'ai fait l'expérience avec Fabulinis, et je dois dire que j'en suis très satisfait. J'ai appris beaucoup de mots que j'ai même pu utiliser dans des conversations.

Les livres de lecture sont en général des nouvelles et des romans, parfois même des oeuvres classiques, que l'on a réécrit de manière à ce que ce soit accessible à des apprenant de la langue. Ils sont classés par niveaux, et chaque seuil a un vocabulaire limité. Par exemple, pour le niveau basique, vous ne trouverez pas plus de 200 mots; pour le niveau débutant, cela ne dépasse pas les 300, etc. Certains livres contiennent des exercices de compréhension juste après le texte. Je n'ai pas eu la chance d'essayer cette approche pour l'italien, mais j'en ai lu pas mal au lycée en anglais. Je parle notamment des fameux Penguin Books que vous retrouverez dans n'importe quelle librairie. Cependant, ce type de livres présentent le désavantage de ne pas être très nombreux à part en anglais.

Certains conseillent aussi de lire des bandes dessinées. L'avantage, c'est qu'elles sont très répandues dans le net tout comme les contes pour enfants. Si vous êtes un amateur de Marvel ou des Mangas, ce type d'exercices est parfait pour vous !

Une autre source que j'ai beaucoup utilisé durant cette semaine sont les actualités. Grâce à un article  très intéressant, j'ai appris à profiter comment transformer mon Facebook en une véritable mine d'or pour mon activité de lecture. En fait, vous pouvez utiliser le site Social Bakers pour repérer les pages les plus populaires dans les pays où votre langue cible est officielle. Un autre site  vous permettra de trouver les sites les plus fréquentés. Ensuite, vous n'aurez qu'à chercher ces pages sur Facebook et vous abonner. Comme ça, vous êtes sur de trouver quelque chose à lire chaque fois que vous allez consulter votre compte Facebook. Faites aussi en sorte d'interagir avec les publications, en mettant des "j'aime", en commentant (une excellente manière de s'entrainer à la production écrite) et en partageant. De cette manière, l'algorythme de Facebook fera en sorte de sélectionner le contenu qui vous intéresse et de vous l'envoyer sur votre page d'actualité.

Quelques polyglottes aiment lire une même oeuvre en deux langues pour apprendre des mots sans avoir recours au dictionnaire en comparant la même phrase dans les deux textes. Mais de cette manière, vous prendrez deux fois plus de temps pour finir un texte ce qui ne favorise pas les gens avec un emploi du temps hyperchargé comme moi.

D'autres enfin écoutent des livres audio tout en suivant le texte sur un support écrit. Le hic dans cette approche, c'est qu'on n'est pas toujours sur de trouver la même oeuvre sous les deux formes. Étant un amateur des creepypastas (des histoires d'horreur publiées sur Internet), j'ai pris l'habitude d'en écouter au lieu de lire lorsque je me retrouve complètement éreinté. Les histoires publiées sur cette chaîne me plaisent particulièrement. Malheureusement, je ne retrouve souvent pas la version écrite de l'histoire, ou alors, elle est légèrement différente. Bref, n'ayant pas encore essayé cette approche, je pe ne peux pas encore en dire grand chose, et je pense que j'y réserverai un post séparé.

2) Le dictionnaire :
 Au cours de cette semaine, l'absence d'un dictionnaire adéquat s'est faite fortement sentir. Mais, si vous êtes comme moi plutôt du genre à aimer lire sur votre PC, n'hésitez pas à installer l'extension de Google Traduction qui vous économisera bien des efforts.

Cependant, je tiens à préciser que le dictionnaire est à utiliser avec modération parce qu'il interrompt le train de la lecture et rend cette activité déplaisante. À moins que vous ayez beaucoup de temps et que vous soyez un véritable enthousiate des langues, vous ne devriez pas lire quelque chose qui est au-dessus de votre niveau. Certains polyglottes et enseignants recommande de ne pas continuer à lire du matériel si vous y rencontrez 10, 6 ou 3 mots inconnus par page (différents auteurs donnent différents chiffres). C'est à vous de voir, où vous arrêter. Si vous êtes très patient, vous pouvez vous maintenir à 10; si ce n'est pas du tout le cas, 3 mots sont amplement suffisants !
De plus, essayez de comprendre le sens du mot via son contexte. N'oubliez pas que les choses bien apprises, sont les choses bien comprises. Il n'y a donc pas mieux que de comprendre le sens d'un mot par soi-même dans le contexte. Réservez le dictionnaire pour les états d'urgence !

3) La fréquence :

Une règle d'or à respecter non seulement pour la lecture, mais aussi pour tout le reste de votre apprentissage: la régularité

Au lieu de lire 6 heures sporadiquement, il vaut mieux lire 20 minutes quotidiennement. C'est beaucoup plus efficace.

4) Qu'est-ce que nous gagnez de la lecture ?

Autre l'enrichissement du vocabulaire et l'amélioration de la production écrite, la lecture participe aussi au développement général des compétences langagières et aide l'apprenant à gagner en fluidité dans la langue parlée. Une étude  qualitative faite en Australie a montré que la lecture, notamment celle des livres de lecture facilitée, gagnent en fluence verbale (en anglais fluency) après avoir suivi un cours de lecture extensive.

J'en ai moi-même fait l'expérience. Après seulement une semaine de lecture quotidienne de 3 à 5 articles, j'ai appris non seulement des mots nouveaux, mais aussi la conjugaison à l'imparfait, la voix passive avec l'auxiliaire "venire", des constructions comme "cercare di fare", "risultare essere" et bien d'autres qui me facilite sensiblement à exprimer oralement mes idées. J'en ai fait l'expérience dans une conversation d'environ 15 minutes.

Mes conseils personnels :
- Depuis que j'ai commencé à apprendre les langues, Wikipédia est devenu mon meilleur alié. En effet, les articles encyclopédiques sont relativement simples par rapport aux textes narratifs et peuvent s'avérer très utiles.

- Je vous conseille amplement de choisir une série d'articles qui traitent le même thème ou bien des sujets du même domaine. Cela vous permettra d'assimiler des mots et des constructions grammaticales par répétition sans aucun effort de votre part. Comme les articles parlent du même sujet, beaucoup de mots sont répétés vous aller les mémoriser à force de les rencontrer. Vous pouvez, à titre d'exemple, choisir un article sur Wikipédia et une fois que vous l'avez fini, cliquez sur les hyperliens et vous serez reconduit vers d'autres articles dans le même domaine.

- Vous n'avez pas à vous installer confortablement dans votre lit pour lire. Vous pouvez le faire dans le train ou le bus, quand vous attendez votre tour à la banque... Dès que vous êtes assis et que vous n'avez pas grand chose à faire, profitez-en  !

- Il y a des jours où vous n'avez tout simplement pas le temps ou l'énergie pour faire quoique ce soit. Ne vous en voulez pas de ne pas avoir lu ! La lecture est supposé être un loisir. Si vous pouvez le faire chaque jour, tant mieux ! Sinon, soyez à l'écoute de votre corps et de votre cerveau et prenez ce repos que vous avez tant mérité !

Je termine par une petite anecdote de Stephen Krashner, éminent linguiste et promoteur de l'approche naturelle de l'enseignement des langues:
Des études ont démontré que ces trois activités retardent la démentie et la maladie de l'Alzheimer:
L'apprentissage d'une langue, la lecture et deux tasses de café par jour. La meilleure, c'est qu'on peut faire toutes les trois activités au même temps ! On peut lire dans une langue étrangère et déguster sa tasse de café.

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